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3 questions à Olivier Ezratty

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3 questions à Olivier Ezratty

Vous venez de publier la quatrième édition de l’ebook « Les usages de l’intelligence artificielle ». Que s’est-il passé selon vous de notable depuis votre première version en 2017 et quelle analyse faites-vous de cette évolution ?

Les entreprises sont passées de l’étape de la découverte à celle de l’adoption des outils de l’intelligence artificielle. Celle-ci irrigue maintenant tous les secteurs d’activité au point qu’elle se banalise et perd progressivement son côté magique. Les retours d’expérience sont très nombreux et certains ont essuyé des plâtres. Les technologies de l’IA ont aussi bien progressé, bénéficiant notamment des progrès dans la puissance des processeurs spécialisés pour le deep learning aussi bien côté serveurs que côté marché de l’embarqué ou des smartphones. Le traitement du langage et des images fonctionne bien mieux qu’il y a 4 ans. Les entreprises apprennent aussi à mieux gérer leurs données et à limiter les effets des biais des données. D’autres domaines ont moins progressé comme celui de la robotique. On s’est aussi rendu compte qu’une bonne partie des prévisions concernant l’impact de l’IA sur l’emploi étaient bien trop pessimistes.

Dans cet ouvrage, vous pointez que, malgré l’importance de la vague des usages de l’IA dans tous les domaines, cela reste encore assez artisanal. Qu’entendez-vous par là ? Et comment cela peut-il évoluer ?

L’artisanat de l’IA se situe à plusieurs niveaux. Tout d’abord, à celui des algorithmes qui évoluent régulièrement mais qui relèvent d’un jeu de Lego incessant, notamment dans le traitement du langage. Et puis surtout au niveau des applications. Celles-ci sont moins faciles à rendre génériques, notamment chez les éditeurs de logiciels. Elles dépendent beaucoup de la structure des données d’entraînement qui proviennent souvent des entreprises utilisatrices. Cela a un impact négatif sur les économies d’échelle de l’industrie. On l’a récemment vu avec l’acquisition du Canadien Element.AI par ServiceNow aux USA. Element.AI avait fait de grosses levées de fonds mais n’avait pas réussi à créer de véritables économies d’échelle. Celles-ci semblent moins bonnes dans l’IA que dans les vagues précédentes de logiciels. Cela renforce l’importance du marché des outils de développement et notamment d’une catégorie émergente, celle de l’AutoML, ces boîtes à outils qui aident les développeurs et data-scientists à déterminer automatiquement les meilleurs modèles logiciels de machine learning et de deep learning en fonction des données d’entraînement.

Vous l’abordez aussi : l'IA est un enjeu géopolitique majeur. Quelle est à vos yeux la place de l'Europe dans ce jeu mondial ? Et quelles cartes lui conseilleriez-vous de jouer ?

On s’intéresse trop aux usages et aux données et pas assez aux outils dans les analyses géopolitiques de l’IA. Les marchés stratégiques sont ceux des outils de développement qui déterminent le sort des plateformes logicielles, des processeurs et des plateformes de cloud. Le reste, ce sont surtout des solutions applicatives couvrant les besoins des organisations et du grand public et l’ensemble de la panoplie des outils numériques allant des objets connectés aux télécommunications en passant par les écrans connectés en tout genre. L’IA focalise l’attention mais ne correspond qu’à une partie des briques de ces systèmes numériques. Le rôle des données y est exagéré. Leur accumulation est la conséquence de l’existence de plateformes logicielles adoptées par les utilisateurs et d’écosystèmes logiciels construits autour de ces plateformes. L’exemple des millions d’applications développées pour Android et iOS est éloquent. Ils expliquent la dominance de Google et Apple dans les plateformes de smartphones avant tout considération liée à l’IA.

L’importance de ce mécanisme de création des écosystèmes applicatifs des plateformes devrait être mieux compris par les élites qui ont des velléités de régulation du marché, en particulier à l’échelle européenne. Les approches actuelles sont bien trop défensives. Elles érigent des barrières plus qu’elles ne permettent le développement de nos entreprises de l’IA, en particulier lorsqu’elles se focalisent sur l’exploitation de données locales, comme dans la santé, alors que seuls les services et données globaux permettent de construire des leaderships. Les recettes du succès dans l’IA sont voisines de celles du numérique en général : répondre à des besoins aussi génériques que possible, créer des produits-plateformes et développer leur écosystème avec des produits et services complémentaires créés par des tiers. Enfin, il faut exporter rapidement, notamment aux USA, le plus grand pays développé homogène qui donne le la des standards de-facto à l’échelle mondiale. Il faudrait aussi amplifier les efforts de recherche fondamentale et appliquée pour traiter des problèmes fondamentaux, structurés de manière transversale autour de « moonshots » ambitieux. Les positions se prennent dans les batailles à venir, pas sur celles du passé.

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