Éric Sibony commence sa carrière professionnelle chez Axa. Il y découvre le secteur de l’assurance, et prend rapidement conscience de l’enjeu majeur que représente la détection de fraude pour l’ensemble de ses acteurs. Il fonde Shift Technology en 2014 en compagnie de Jeremy Jawish et David Durrleman, dans le but d’aider les assureurs à optimiser leur prise de décision grâce à l’intelligence artificielle. Depuis la création de l'entreprise, Éric a supervisé la conception du portefeuille de solutions et son évolution, ainsi que la R&D sur les algorithmes utilisés.
Éric dispose d’un diplôme d’ingénieur en mathématiques appliquées de l’Ecole Polytechnique et d’un Master Probabilité et Finance décerné conjointement par l’Ecole Polytechnique et l’Université Paris VI. Il est également titulaire d’un doctorat (PhD) en modélisation mathématique et apprentissage automatique (machine learning) de Télécom ParisTech.
1. Expliquez-nous concrètement comment les solutions IA de Shift Technology permettent de détecter des fraudes dans le secteur de l’assurance ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Dès la création de Shift, notre premier objectif a été de proposer aux assureurs une solution SaaS de détection de fraude basée sur l’intelligence artificielle. La fraude constitue en effet une problématique majeure pour le secteur de l’assurance, représentant plus de deux milliards et demi d’euros de pertes par an rien qu’en France, sans compter l’assurance maladie et la prévoyance. Une charge qui se répercute sur les primes que paient les assurés.
Une fois cet objectif atteint, nous nous sommes penchés sur la question de l’automatisation du parcours des assurés, et avons progressivement développé Shift Insurance Decisioning Platform, une plateforme logicielle qui utilise l'IA pour aider les assureurs à prendre de meilleures décisions tout au long des processus de souscription et de sinistre.
Le cœur de métier des solutions de Shift est de mettre l’Intelligence Artificielle en application pour servir au mieux les acteurs de l’assurance, notamment en les aidant à prendre les meilleures décisions. Sur l’ensemble des processus critiques liés aux différentes étapes d’une police d’assurance, l’IA permet d’identifier des anomalies, des comportements suspects, des schémas de fraude, etc. Bien appliquée, elle permet de donner du sens aux importants volumes de données, et surtout, de les transformer en informations actionnables.
Concrètement, notre solution Claims Fraud Detection détecte les sinistres suspects en temps réel, et fournit des informations claires aux gestionnaires pour les aider à prendre des décisions de manière rapide et efficace. L’IA que nous utilisons croise les données relatives aux sinistres et aux polices d’assurance à des données externes, et les analyse sur un environnement sécurisé. Un score de suspicion est ensuite attribué à chaque sinistre, et nous avons mis en place des indicateurs qui expliquent pourquoi le sinistre est suspect, ainsi que des pistes d’investigation. Cela permet d’orienter les équipes anti-fraude sur les dossiers vraiment suspects, et les aide à traiter ceux-ci jusqu’à la preuve de la fraude (demande d’information complémentaires, vérification des pièces du dossier, investigation sur site,…)
Voici quelques exemples de fraudes à grande échelle ou en réseaux que nos solutions ont récemment permis de détecter :
2. Chat GPT, la nouvelle technologie développée par OpenAI, pose-t-elle des défis aux assureurs et travaillez-vous sur des garde-fous chez Shift Technology ?
Cette nouvelle technologie, dans sa forme actuelle n’impacte pas vraiment les assureurs. Chat GPT se nourrit d’informations essentiellement disponibles en ligne, et donc ‘publiques’, tandis que la plupart des données traitées par les assureurs sont des données privées. Il n’y a par conséquent pas réellement d’interférences entre les deux. De plus, lorsqu’un assuré déclare un sinistre, il a a priori tout intérêt à raconter les choses telles qu’elles se sont réellement passées ; quant au fraudeur, il cherchera à mentir d’une façon bien précise. Dans les deux cas, le recours à Chat GPT ne semble pas une solution particulièrement intéressante.
Si à l’avenir cela devait changer, il est probable que nous adapterons nos solutions pour parer à toutes les éventualités. Notre objectif chez Shift Technology a toujours été d’atteindre un niveau de sécurité et de conformité optimal.
3. Selon vous, quelle sera la prochaine grande révolution dans le NLP ?
Considérant les dernières innovations, notamment DALL-E et Chat GPT, je dirais que la prochaine étape pourrait être l’utilisation du NPL pour générer des rapports de toutes sortes. A partir de là, on pourrait imaginer que cette technologie soit déployée sur un scope prédéfini, avec un système de données précis, comme celui d’une entreprise. Le travail de tous les acteurs produisant ce type de rapports dans notre économie actuelle s’en trouvera fortement facilité. Peut-être au point de conduire à une révolution majeure dans certains métiers.
Un autre axe d’extension possible serait l’énumération de toutes les sources utilisées par le NPL – même si cela semble compliqué statistiquement parlant. Il faudrait, pour en arriver là, pouvoir faire confiance à l’IA de manière absolue, or on n’en est pas encore là.